NOMADAS.2 | REVISTA CRITICA DE CIENCIAS SOCIALES Y JURIDICAS | ISSN 1578-6730

El "Partido de los Intelectuales"
[Régis Debray / Thomas Vallières]

Thomas Vallières | le "parti intelectuel" dans tous ses états: français | castellano
Régis Debray | ils se sont tant trompés: français | castellano

LE "PARTI INTELLECTUEL" DANS TOUS SES ÉTATS
Thomas Vallières

L'intellectuel français est en phase terminale. C'est la piètre histoire de cette déchéance que brosse Régis Debray. Le médiologue anticipe, dans I.T.,suite et fin, l'acte de décès de l'intelligentsia. Réactions.

Récidive. Cette semaine, Régis Debray tire une nouvelle salve philosophique. Un vrai débat en perspective? Ne rêvons pas. Le parti libéral-libertaire qui tient les médias répliquera comme d'ordinaire par un mélange d'exorcisme, d'excommunication et d'exécution sommaire.

Il aura d'ailleurs ses raisons, puisqu'avec une cruauté quasi obscène le livre le déshabille.

Le thème? Il est simple, même si le propos ne l'est pas toujours: l'histoire d'une décadence, d'une lente glissade. Du glorieux au grotesque. Comment le "parti intellectuel" version 1900, qui puisa sa legitimité dans le combat dreyfusard, s'est-il métamorphosé en une caste narcissique qui voue son nombril au culte d'une bienpensance expertisée par le grand capital? Là où "l'intellectuel original" -"l'I.O."- innocentait les vrais coupables. "L'I.T.", "l'intellectuel terminal", passe son temps à inculper les vrais innocents. Ceux-ci furent baptisés au caca (autrement dit, magnifiés par l'insulte), ceux-là expirent sous de couronnes d'or. Ils étaient un contre-pouvoir; ils font aujourd'hui corps avec le pouvoir; ils sont le pouvoir. Triangle magique sur lequel veillent la dominance mediatique, la legitimité politique et la puissance financière.

Le diagnostic est connu, mais il est conseillé de n'en point faire état pour éviter les bricoles: circularité autarcique, cumul des rôles, trafic d'influence, chassés-croisés des jurys, le séné contre la rhubarbe, pourvoi de la censure et renvoi de l'ascenseur, des mocassins qu'on se cire comme d'autres se tiennent par la barbichette. Roux qui juge les ouvrages de Combalusier, d'Ormesson et Julliard souvent interchangeables, l'adjoint à la rénovation urbaine qui privilégie sa propre société immobilière, le jeune penseur qui se fait labellisé par les burgraves de la Chambre des pairs -on vous revaudra ça!-, le clan qui devient horde dès que l'intrus mord son territoire, la citrouille di manichéisme métamorphosée en carrosse de la "complexité", la lame toujours enfoncée dans le dos de ceux qui ne sont pas du côté du manche, le passage allègre de la "cause du peuple" aux fourgons du Medef, le débat transformé en guet-apens, l'embuscade en guise de controverse -allez voir chez Hitler et Staline si j'y suis-, l'ostracisme illuminé par le bûcher, la réactualisation en chaîne des crimes de "révisionnisme" et de "déviationnisme", ressortie de la panoplie du temps où l'on officiait chez les "camarades", théâtralisation de la grande scène de la rupture- "Adieu, je ne vous connais plus: cachez-moi cette menotte que je ne saurais plus serrer"-, le marketing mondain de l'idéologie petit four Bruckner -le chéri de "Marie Claire"- dans le rôle de Bel-Ami, Nourrissier qui transforme tous les râteliers qu'il rencontre en appartement de fonction, Glucksmann, que le télégramme annonçant la mort de Brejnev n'a toujours pas atteint, Semprun qui glorifie Minc et le lycée de Versailles. Bref, comme le suggère ignoblement l'auteur, abus de position dominante, ententes illicites et, parfois aussi, faux et usage de faux!

Calomnies, bien évidemment. A ce compte-là, on pourrait étirer la litanie. S'est-on jamais aussi systématiquement trompé en faisant chaque fois preuve d'autant d'arrogance? Qui nous annoçait la victoire inéluctable de l'Union soviétique, la finlandisation inéluctable de notre continent, la fascisation inéluctable de l'Europe, le basculement inéluctable de la France dans l'univers totalitaire? "Inéluctable" toujours...

Tel qui fit l'éloge des "tribunaux du peuple", façon Fouquier-Tinville, est devenu un caniche de la grande bourgeoisie. Celui qui "pensait" pour Balladur, ratiocine pour Jospin. Le pro-Chinois n'en pince plus que pour Madeleine Albright. Le "gauchiste prolétarien" ramène tout désormais à l'enseignement de la Torah. Celui qui compara de Gaulle à Mussollini voit Doriot derrière Chevènement. Hier, il fallait prendre le maquis dans le Vercors, aujourd'hui, il convient de prendre ses aises dans le Luberon. Toutes leurs idées ont fait naufrage, mais les index restent pointés. L'imprécateur ne roule plus les "r", simplement les mécaniques. Parce qu'on s'est mis au service des puissants, on se déguise en contre-pouvoir. On peut se faire sponsoriser par Vivendi puisqu'on pétitionne contre Eltsine. Sartre débloquait en direct depuis Billancourt, désormais on invective depuis la Mamounia. La Toscane a remplacé la jungle bolivienne et Rebuchon la cantine de la rue d'Ulm.

Démission? Que nenni. Malraux ne rougirait pas de nous puisqu'on déguste un "génocide" à tous les pétits déjeuners: puisqu'on dénonce les "Munichois" qui hésitent à intervenir contre la dictadure des Grimaldi à Monaco; puisqu'on se déchaîne avec un courage inouï, ahurissant, contre Colbert, Lazare Carnot, le général Hoche et, accessoirement, Jules Ferry dont on conviendrra que les ripostes sont moins meurtrières que celles des patrons de TF1 ou des annonceurs publicitaires. Hier, on mobilisait Soljenitsyne. Depuis que le néolibéralisme lui a défrisé la barbe, il n'intéresse plus. On n'a peur de rien puiqu'on a mis les médias qui comptent dans sa poche: pas même des clichés qui ne pardonneraient pas au baccalauréat ou des lieux communs que n'auraient osé ni Bouvard ni Pécuchet. Du moment que la vigilante patronne du Monde des Livres donne son imprimatur! De toute façon, ce ne sont ni Télérama, ni le Journal du dimanche qui relèveront les arnaques!

La preuve par Phillippe Sollers, notre Milosevic des Belles Lettres, véritable mille-pattes qui a un pied chez chaque décideur; ce n'est pas du tout ses contorsions clownesques -tour à tour maoïste, stalinien, balladurien, papiste, ultra jospinien- qui importent (même si, dépassé la rue du Four, elles font se tordre le monde entier), mais cette évidence, au-delà de ses qualités de romancier et de son charme suave, qu'aucun journal n'engagerait un stagiaire qui oserait lui soumettre des articles aussi insipides que ceux qu'il commet dans le Journal du dimanche et, parfois, à la une du Monde. Et pourtant, il tourne! Il colonise. Il phagocyte. Il symbolise. Il fallait que le "parti inlellectuel" qui naquit en Zola s'abîmât en Sollers- C'est un signe. Dommage pour les penseurs les plus profands, les plus originaux, les plus libres de ce pays qui n'accéderont jamais, eux, aux hauts lieux de la bonne parole et à leurs satellites. (Accueillons-les!)

Dommage, surtout, pour notre démocratie qui ne peut se satisfaire de ce précipice effrayant qui est en train de se creuser entre le pays réel et son intelligentsia officielle, de cette fracture angoissante dont toujours le populisme fait son miel.
Alors, n'en rien dire, faire comme si...

Régis Debray, cracheur dans la soupe, a cru devoir rompre l'omerta. Espérons que vous lynchérez une nouvelle fois ce type insupportable!



ILS SE SONT TANT TROMPÉS
Régis Debray
Extraits de I.F.suite et fin, Gallimard, 987 p., 85F

Quiconque passe en revue depuis trente ans les écrits de circonstance de nos éclaireurs les mieux notés, les plus justement fameux, serait tenté de se demander si l'I.T. (intellectuel terminal) fut jamais en reste d'une bévue. Patrouillant aux remparts, agitant frénétiquement son signal d'alarme pour réveiller les apathiques, force est de lui reconnaître une prescience exceptionnelle pour annoncer ce qui n'arrivera pas. À chaque tournant, en retard d'une crise, d'un racisme, d'un remords, d'une colère, le vaticinateur n'est pas sans rappeler notre haut état-major d'antan, qui préparait la prochaine défaite dans l'esprit de la victoire précédente. Entrer dans l'avenir à reculons est notre sort commun. Ce qui retient ici l'attention, c'est seulement l'alliance d'un inaltérable ton de supériorité avec une intuition un peu en dessous de la moyenne.

Pour s'en tenir à l'évévement intérieur, on trouvera un joli échelon précurseur dans la revue intitulée 14 Juillet, publiée en 1958, et regroupant le dessus du panier de l'après-guerre (Klossowski, Mandiargues, Mascolo, Brice Parain, Marguerite Duras, etc.). Le premier numéro répond à la question: que nous annonce le retour au pouvoir du général de Gaulle et comment l'interpréter? Pour l'un, c'est "la nuit qui tombe sur l'Esprit, le glas de mort de la liberté". Pour cet autre, "une inversion de toutes les valeurs naturelles". Il se dégage de ce numéro l'impression que l'avènement de la Vª République, terrifiant crêpuscule, ne laisse le choix qu'entre l'exil et la prise d'armes. Sur une quinzaine d'années, les rapports de De Gaulle et des intellectuels (les plus éminents), c'est l'histoire d'un homme qui a deux coups d'avance, étrillé et morigéné chaque matin par ceux qui avaient deux coups de retard. Tout ce qu'ils ont dénoncé comme illusion ´'est réalisé; tout ce qu'ils ont décrit comme des réalités s'est réveillé illusoire. On relira, sautant quelques années, Vers la guerre civile de Serge July et d'Alain Geismar (en 1969), annonçant: "Sans vouloir jouer au prophète, l'horizon 70 ou 72 de la France, c'est la révolution." Ou les pronostics d'André Glucksmann dans Nouveaux fascismes, nouvelle démocratie, explicant, peu après, l'arrivée au pouvoir d'un "Napoléon du nouveau fascisme", Georges Pompidou. La gauche prolétarienne qui assimilait la classe dirigeante à l'occupant nazi ne pouvait que prôner la Résistance (guérilla ou sabotage). Les gauchistes n'ayant pas d'exclusivité, les droitiers rattrapèrent le temps perdu. En 1974, en 1981 aussi, nous pûmes lire, sous de prestigieuses signatures, que la victoire électorale de François Miterrand (laquelle prit l'I.T. au dépourvu), avec les rouges dans le fourgon, verrait bientôt les chars russes place de la Concorde, le pillage de la Banque de France, la populace déchaînée, la fin des libertés, la nuit sur l'Occidente. Antifascisme, anticommunisme -peu importe la cause pourvu qu'on ait l'effet. A chaque soubresaut déclencheur de vaticinations, comme Clément Rosset l'a observé, "une sorte d'automatisme ramène chacun, comme malgré lui, à son dada, et ce en dépit de la nature du sujet dont il avait à parler. Objet qui au fond n'est que prétexte et disparaît bien vite derrière les thèmes obsessionnels. Peu importe ce dont on parle, c'est ce qu'on en dit qui compte".

Le guetteur de prémices ne met pas vulgairement à côté de la plaque. Il y a un style dans la gonflette qui vaut signature à gauche et à droite, et dont la constance mériterait un néologisme: la grandivoyance. A cette puérilité bien pardonnable, dont nous sommes beaucoup à tirer parti dans nos pérégrinations, s'ajoute ici la panique d'immodestie. D'où un défaut certain de sobriété dans les relations de voyage, et l'hilarité qu'inspire, après coup, le contraste entre l'enflé du propos et la minceur du prétexte. En magnifiant le danger, le prophète ajoute à sa propre importance. Le seul fait d'oser en parler, envers et contre tous, devient un haut fait. Les impératifs du marketing n'aident pas, qui obligent au titre éberluant, anxiogène, pour maximiser l'impact: Ce fascisme qui vient; Comment les démocraties finissent; Devant la guerre; Le syndrome finlandais, etc. Litanie de catasprophes annoncées pour ce soir même et qu'on attend toujours, dont l'imminence apocalyptique admet pour traduction, en langue courante: "Il étair moins une. Encore heureux que je sois là pour vous prévenir. Allez, je vous tends une perche, mais c'est votre dernière chance. Et qu'on ne vous y reprenne pas."

L'I.T. a, par exemple, popularisé au cours des années Giscard et Miterrand sa vision panique, obsidionale et fiévreuse d'un communisme avale tout.

Que l'ankylose du système soviétique touchât alors à la paralysie générale, en dépit ou à cause de sa puissance militaire, stérile accumulation de forces mortes (sur le front principal), cela pouvait se révéler au plus myope, pour peu qu'on se donnât la peine d'y voyager et d'étudier le dossier sur pièces. La preuve en est que le signataire de ces lignes, tout ami qu'il fût du despotisme et récidiviste notoire, a pu le saisir six ans avant le dénouement. "On ne verra aucun envahisseur surgir de ce côté-là" étions-nous quelques-uns à dire (après le dissident Arnalric et avec Emmanuel Todd notamment. Ours fatigué et trop maladroid. D'empire, il n'y en a plus qu'un, et celui-là, coriace. La cote des placides, déjà basse, toucha le fond. Naïf, benêt, neutralisé, agent d'influence occupé à désarmer les vigilances: le guet ne l'envoya pas dire. La gauche antitotalitaire ne lâcherait pas de sitôt son enfer, la droite bien informée non plus.

Quatrième de couverture pour "beaucoup plus qu'un ouvrage politique, une méditation sur le destin de l'humanité": "Jean-François Revel va droit à la question clé de notre temps, à savoir le lent glissement qui nous fait consentir à l'impérialisme soviétique. Tout se passe comme si les démocraties avaient par avance abdiqué devant la force. Comme si les cadres mentaux étaient prêts déjà, pour accepter la servitude. Et comme si, avant même que de livrer bataille, nous nous étions résignés à l'inévitable." Nous est ensuite expliqué, dans le corps du texte, avec la "superbe clarté que l'auteur sait apporter dans le raisonnement, sa hauteur de ton, sa puissance de synthèse" (l'I.T. n'a pas trop mauvaise opinion de lui-même). 1/Que les démocraties ont pratiquement perdu la partie devant le rouleau compresseur communiste. 2/Que la désinformation en cours sur l'ampleur du désastre rend pratiquement irréversible la "débandade de l'Occident" (p. 17) et 3/ qu'il n'y a surtout rien à attendre de "la comédie des successions" à la tête du Kremlin et des pseudo-adoucissements de l'intérieur, sinon un surcroiît des leurres et d'intoxications (p. 220). Ces contresens solidement documentés, salués par la meilleure presse comme un tonique retour aux réalités, ne pouvaient se voir contredits que par des hommes d'Etat "ignares" et de soviétologues "naïfs". Rappelons-nous, "le totalitarisme est le péril montant", affirmait sereinement Foucault. De futurs F.T.P., sur le petit écran, nous montraient de visu comment résister à l'Armée rouge dans les couloirs de la RATP, en patins à roulettes. Castoriadis expliquait, dans son Devant la guerre (deux tomes), que la société soviétique durcissait ses muscles pour l'ultime assaut. Edgar Morit observait: "Ce qui permettrait d'enrayer cette dialectique infernale est improbable. Aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'Empire, les facteurs prépondérants vont dans le sens de la poursuite de l'expansion." On cite ici les meilleurs d'entre les meilleurs. Quant à Alain Minc, trois ans avant la chute du Mur, il voyait clairement l'Europe devenir "le poumon du monde soviétique et un quasi-protectorat", mais le glissement, nous prévenait-il, s'effectuera en douceur. C'est "une situation que nous vivrons sans tension ni révolte, car le pire tient au côté douillet de cette finlandisation du XXIª siècle". Il lui restait juste assez de souffle pour dénoncer les aveuglements de ses contemporains. Stoïque, un brin amer, le maître à penser du juste milieu avouait alors sa volonté de porter sa croix, la clairvoyance, jusqu'au sacrifice final. "La lucidité ne demeure-t-elle pas, toujours, la blessure la plus proche du soleil?".

Il y eut ensuite, divine surprise, en France même, la marée inexorable du Front nacionale, et l'inlassable travail d'endiguement mené dix ans durant contre la Bête immonde par tous les I.T. mobilisés (travail dont le mouvement en question tira le plus grand profit). Jusqu'à ce que l'extrême droite implose et se dégonfle pour des raisons purement internes. Par chance, nous manquâmes alors le bonheur de peu -plongeant dans le drame, la Yougoslavie nous sauva du désarroi. "La nuit qui tombe sur Sarajevo est en train d'obscurcir le continent tout entier", nous signala aussitôt Jacques Julliard, un perspicace à longue vue, en 1994. "Une comparaison s'impose avec la situation qu'a connue le monde à la veille de la prise du pouvoir par Hitler en Allemagne (1933)." Cette premise posée, restait à dissiper les illusions de nos irresponsables, et notamment du président de la République, pleutre et myope. Le Gamelin de l'Elysée ayant constaté que l'Europe balkanique était le théâtre d'un réveil généralisé des ethnies, "où chacun veut accéder à la souveraineté d'un Etat, même là où il n'y en a jamais eu dans l'Histoire", cette campagne de bon sens souleva l'ire de l'éditorialiste à qui on ne la fait pas. Il avait découvert ceci: "Jusqu'à l'aube du XXª siècle ou, mieux, jusqu'à la naissance de la Yougoslavie, en 1918, les "peuplades" ne se sont jamais combattues [...]". R.D.



EL "PARTIDO INTELECTUAL" FUERA DE SI
Thomas Vellières

El intelectual francés está en fase terminal. Es la vil historia de esta decadencia lo que bosqueja Régis Debray. El mediologo anticipa, en I.T. Continuación y fin, el acta de defunción de la inteligencia- Reacciones.

Reiteración. Esta semana, Régis Debray saca una nueva salva filosófica. ¿Un verdadero debate en perspectiva? No soñenos. El partido liberal-libertario que sostienen los medios de comunicación  replicará, como de costumbre, con una mezcla de exorcismo, de excomunicación y de ejecución sumaria.

Además tendrá sus razones, puesto que con una crueldad casi obscena le deja al desnudo.

¿El tema? Es simple, incluso si el propósito no lo es siempre: la historia de una decadencia, de un lento resbalón. De lo glorioso a lo grotesco. ¿Cómo el "partido intelectual" versión 1900, que extrajo su legitimidad en el combate dreyfusardo, se ha transformado en una casta narcisista que consagra su ombligo al culto de un pensamiento sometido al gran capital? Allí donde "el intelectual orginal" -"I.O."- declaraba inocentes a los verdaderos culpables, "I.T.", "el intelectual terminal" pasa su tiempo inculpando a los verdaderos inoncentes. Estos fuerons bautizados en la caca (dicho de otra manera, magnificados por el insulto), aquellos expiran bajo coronas de oro. Eran un contra-poder, hoy hacen cuerpo con el poder; son el poder. Triangulo mágico sobre el que velan la dominación mediática, la legitimidad política y el poder financiero.

Se conoce el diagnóstico, pero se aconseja no tenerlo en cuenta para evitar las chapuzas: circularidad autárquica, cúmulo de roles, trafico de influencias, cambio de jurados, el sen contra el ruibarbo, apelación de la censura y devolución del ascensor, mocasines que se enceran como otros se tienen cogidos por las barbas, Roux que toca las obras de Combalusier, de Ormesson et Juliard a menudo intercambiables, el adjunto a la revonación urbana que privilegia a su propia sociedad inmobiliaria, el joven pensador que se hace garantizar por los burgraves de la Cámara de los pares - ¡os saldrá caro!-, el clan que se convierte en horda cuando el intruso invade su territorio, la calabaza del maniqueísmo transformado en carroza de la "complejidad", la hoja del cuchillo siempre hundida en la espalda de aquellos que no están del lado del mango, la alegre travesía  de la "causa del pueblo" a los furgones del Medef, el debate se convierte en celada, la emboscada a manera de controversia -ir a ver si estoy con Hitler y Stalin-, el ostracismo iluminado por la hoguera, la reactualización en cadena de los crímenes de "revisionismo" y de "desviacionismo", vuelta a salir de la panoplia del tiempo en que se oficiaba con los "camaradas", teatralización de la gran escena de la ruptura -Adiós, ya no os conozco: escondez esta manita que no sabré estrechar más"-, el marketing mundano de la ideología de pastel, Bruckner -el querido de "Marie Claire"- en el papel de Bel-Ami,  Nutriente que transforma todos los pesebres que encuentra en apartamentos de función, Gluscksmann, que aún no le ha alcanzado el telegrama anunciando la muerte de Brejnev, Semprun que glorifica Minc y el liceo de Versalles. En resumen, tal como lo sugiere, de modo innoble, el autor, abuso de posición dominante, relaciones ilícitas, y también a veces, falsificación y uso de falsificaciones.

Calumnias, evidentemente. En este caso, se podría alargar la letanía. ¿Quién se ha equivocado de forma tan sistemática dando cada vez pruebas de tanta arrogancia? ¿Quién nos anunciaba la victoria ineluctable de la Unión Soviética, la finlandización ineluctable de nuestro continente, la fasciscitación ineluctable de Europa, el balanceo ineluctable de Francia en el universo totalitario? "Ineluctable" siempre...

El que hizo el elogio de los "tribunales del pueblo", tipo Fouquier-Tinville, se ha convertido en un caniche de la gran burguesía. El que "pensaba" para Balladur, raciocina para Jospin. El pro-chino sólo está colado por Madeleine Albright. EL "izquierdista proletario" vuelve en lo sucesivo a la enseñaza de la Torah. Aquel que comparó a de Gaulle con Musolini, vea Doriot detrás de Chevènement. Ayer, había que ir a la guerrilla en el Vercors, hoy conviene estar a gusto en el Luberon. Todas sus ideas han naufragado, pero los índices quedan señalados. El imprecador no pronuncia fuerte las "r", simplemente los mecanismos. Porque se ha puesto al servicio de los poderosos, se disfraza en contra-poder. Uno se puede hacer esponsorizar por Vivandi puesto que se presenta una solicitud  contra Yelsin. Sartre decía tonterías en directo desde Billancourt, ahora se invectiva desde la Mamounia. La Toscana ha reemplazado a la selva boliviana y Rebuchon a la cantina de la calle de Ulm.

¿Dimisión? Nones. Malraux no enrojecería de nosotros puesto que se degusta un "genocida" en todos los desayunos; ya que se denuncia a los monegascos que dudan en intervenir contra la dictadura de los Grimaldi en Monaco; ya que se desencadena con un coraje inaudito, sorprendente contra Colbert, Lazare Carnot, el general Hoche y, de manera accesoria, Jules Ferry de los cuales estaremos de acuerdo en que las réplicas serán menos asesinas que las de los patrones de TF1 o de los anunciantes publicitarios. Ayer, se mobilizaba Soljenitsyne. Desde que el neoliberalismo le ha desrizado la barba, ya no interesa. No hay nada que temer puesto que han metido a los medias que cuentan en su bolsillo: ni incluso clichés que no perdonarían en el bachillerato o lugares comunes que no habrían osado ni Bouvard ni Pécuchet. ¡Desde el momento en que la vigilante patrona del Mundo de los Libros da su imprimátur! De todas maneras, no van a ser ni Télérama, ni le Journal du dimanche quienes levantarán la voz.

La prueba por Phillippe Sollers, notre Milosevic de las Bellas Letras, verdadero ciempiés que tiene un pie en cada uno de los que deciden; sus contorsiones no son en absoluto circenses -a ratos maoísta, estalinista, balladuriano, papista, ultra jospiniano- que importa (incluso si, traspasada la calle du Four, hacen reir al todo el mundo), pero esta evidencia, más allá de sus cualidades de novelista et de su encanto suave, que ningún periódico comprometería un principiante que le osara someterle a articulos tan insípidos como los que publica en el Journal du dimanche y, algunas veces, en la una del Monde. ¡Y sin embargo vuelve! coloniza. Fagocita. Simboliza. Era necesario que el "partido intelectual" que nació con Zola se echara a perder con Sollers. Es un signo. Lástima para los pensadores más profundos, más originales, más libres de este país que no accederán jamás, ellos, a los altos lugares de la buena palabra y a sus satélites (¡Acojamóslos!)

Lástima, sobre todo, para nuestra democracia que no se puede satisfacer de este precipicio espantoso que se está cavando entre el país real y su inteligencia oficial, de esta fractura angustiosa de la que siempre el populismo hace su agosto.
Entonces, no decir nada, hacer como si...

Régis Debray, que escupe en la sopa, ha creido deber romper la omerta. ¡Esperamos que linchareis una vez más a este tipo insoportable!

[Traducción: Milagros C. Carbonell]



SE HAN EQUIVOCADO TANTO
Régis Debray
Extractos de I.F., continuación y fin, 987 p.

Cualquiera que examine de hace treinta años para acá los escritos circunstanciales de nuestros más notables vanguardistas, los más justamente famosos, podría caer en la tentación de preguntarse si el I.T. (intelectual terminal) no fue a la zaga de una metedura de pata. Patrullando en los acantilados, agitando frenéticamente sus señales de alarma  para despertar a los apáticos, hay que reconocerle una  presciencia excepcional para anunciar lo que nunca pasará. En cada esquina, con retraso ante una crisis, un racismo, un remordimiento, una cólera, el vaticinador no deja de recordarnos a nuestro alto estado-mayor de antaño, que preparaba la próxima derrota con el espíritu de la victoria precedente. Lo que llama aquí la atención es únicamente la alianza de un inalterable tono de superioridad junto a una intuición un poco por debajo de la media.

Para atenerse al acontecimiento interior, se encontrará un bonito peldaño precursor en la revista titulada 14 de Julio, publicada en 1958, y reagrupando a la flor y nata de la post-guerra (Klossowski, Mandiargues, Mascolo, Brice Parain, Marguerite Duras, etc). El primer número responde a la pregunta: ¿qué nos anuncia la vuelta al poder del general de Gaulle y cómo interpretarlo? Para uno, es "la noche que cae sobre el Espíritu, la campanada de muerte de la libertad". Para otro, "una inversión de todos los valores naturales". Se saca de este número la impresión de que el advenimiento de la Vª República, aterrador crepúsculo, no deja otra elección más que entre el exilio y la toma de las armas. Durante una quincena de años, los informes de De Gaulle y de los intelectuales (más eminentes), es la historia de un hombre que tiene unos metros de ventaja, zurrado y amonestado cada día por aquello que tenían unos metros de retraso. Todo lo que han denunciado como ilusión ha ocurrido; todo lo que han descito como realidades se ha revelado ilusorio. Se volverá a leer, saltando algunos años, Hacia la guerra civil de Serge July y de Alain Geismar (en 1969), anunciando: "Sin querer jugar a los profetas, el horizonte de los 70 o 72 en Francia, es la revolución". O los pronósticos de André Glucksmann en Nuevos fascismos, nueva democracia, explicando, poco después, la llegada al poder de un "Napoleón del nuevo fascismo", Georges Pompidou. La izquierda proletaria que asimilaba a la clase dirigente con el ocupante nazi no podía sino preconizar la Resistencia (guerrilla o sabotaje). No teniendo dicha exlusividad los izquierdistas, los derechistas atraparon el tiempo perdido. En 1974, y en 1981 también, pudimos leer, bajo prestigiosas firmas, que la victoria electoral de François Miterrand (la cual pilló al I.T. desprevenido), con los rojos en el furgón, vería pronto  los carros rusos en la plaza de la Concorde, el pillaje del Banco de Francia, el populacho desencadenado, el fin de las libertades, la noche sobre Occidente. Antifascismo, anticomunismo -poco importa la causa con tal que se produzca el efecto deseado. A cada sobresalto disparador de vaticinios, como lo ha observado Clement Rosset, "une especie de automatismo devuelve a cada uno, como a pesar suyo, a su rollo, y esto a despecho de la naturaleza del tema del que había que hablar. Objeto que en el fondo no es más que pretexto y que desaparece muy rápido detrás de los temas obsesivos. Poco importa de qué se hable, es lo que se dice de ello lo que cuenta".

El que acecha primicias no se pone vulgarmente en la foto. Hay un estilo en el inflado que vale firmas a izquierda y derecha, y cuya constancia merecería un neologismo: la grandividencia. A esta puerilidad bien perdonable, de la que somos muchos a sacar provecho en nuestras peregrinaciones, se añade aquí el pánico de inmodestia. De dónde un defecto cierto de sobriedad en las relaciones de viaje, y la hilaridad que inspira, después, el contraste entre lo inflado del propósito y la delgadez del pretexto. Magnificando el peligro, el profeta se añade su propia importancia. El único hecho de atreverse a hablar hacia y contra todos, se convierte en un gran acto. Los imperativos del marketing no ayudan, que obligan al título pasmoso, ansiógeno, para maximizar el impacto: El fascismo que llega; Cómo acaban las democracias; Ante la guerra; El síndrome finlandés, etc. Litania de catástrofes anunciadas para esta misma tarde y que se espera siempre, cuya inminencia apocalíptica admite para traducirlo en lenguaje corriente: "Ha faltado muy poquito. Estar contentos de que esté aquí para preveniros. Vamos, os echo un cable, pero es vuestra última oportunidad. Y que no os vuelva a pillar".

Por ejemplo, el I.T. ha popularizado a través de los años a Giscard y Miterrand su visión alarmista, obsidional y calenturienta de un comunismo que se traga todo.

 Se podría revelar al más miope, por poco que se molestase en viajar y estudiar el panorama, que el anquilosamiento del sistema soviético conduciría  pues a la parálisis general, a pesar o a causa de su potencia militar, estéril acumulación de fuerzas muertas (en el frente principal). La prueba es que el firmante de estas líneas, por muy amigo que fuera del despotismo y reincidente notorio, lo pudo captar seis años antes del desenlace. "No veremos a ningún invasor surgir por ese lado", éramos algunos a decir (detrás del disidente Amalric y sobre todo con Emmanuel Todd). Oso fatigado y demasiado torpe. De ascendiente no hay más que uno, y éste, correoso. El nivel de los plácidos, ya bajo, tocó fondo. Ingenuo, pánfilo, neutralizado, agente influyente ocupado en desarmar las vigilancias: el acecho no lo hizo saber. La izquierda antitotalitaria no dejaría atrás tan pronto su infierno, la derecha bien informada tampoco.

Cuarta portada para "muchos más que una obra política, una meditación sobre el destino de la humanidad": "Jean-François Revel va directo a la pregunta clave de nuestro tiempo, a saber el lento deslizamiento que nos hace consentir al imperialismo soviético. Todo ocurre como si las democracias hubiesen abdicado de antemano ante la fuerza. Como si los esquemas mentales estuviesen ya dispuestos a aceptar la servidumbre. Y como si, antes incluso de librar batalla, nos hubiésemos resignado a lo inevitable". Seguidamente se nos explica, en el cuerpo del texto, con la "soberbia claridad que el autor sabe aportar en el razonamiento, su altura de estilo, su potencia de síntesis" (el I.T. no tiene demasiada mala opinión de sí mismo).

1/ Que las democracias han perdido prácticamente la partida ante la apisonadora comunista. 2/ Que la desinformación en curso sobre la amplitud del desastre hace prácticamente irreversible la "desbandada de Occidente" (p.171) y 3/ que sobre todo no hay nada que esperar de "la comedia de sucesiones" en la cabeza del Krelim ni de los seudo-suavizamientos del interior, sino un acrecentamiento de engañifas e intoxicaciones (p.220). Estos contrasentidos solidamente documentados, saludados por la mejor prensa como una refrescante vuelta a las realidades, no podían verse contradecidos más que por hombres de Estado  "ignaros" y por sovietólogos "ingenuos". Recordemos, "el totalitarismo es el peligro creciente", afirmaba serenamente Foucautl. Futuros F.T.P. nos mostraban de visu, en la pequeña pantalla, como resistir al Ejército rojo en los pasillos de la RATP, en patines. Castoriadis explicaba, en su Ante la guerra (dos tomos), que la sociedad soviética endurecía sus músculos para el último asalto. Edgar Morin observaba: "Lo que permitiría frenar esta dialéctica infernal es improbable. Tanto en el interior como en el exterior del Imperio, los factores preponderantes van en el sentido de  la continuación de la expansión."  Aquí se cita a los mejores de entre los mejores. En cuanto a Alain Minc, tres años antes de la caída del Mur, veía claramente a Europa convertirse en "el pulmón del mundo soviético y en un cuasi-protectorado", pero el deslizamiento, nos prevenía, se efectuará  a la chita callando. Es "una situación que viviremos sin tensión ni revuelta, porque lo peor tiene el lado mullido de esta finlandización del siglo XXI". Le quedaba justo suficiente aliento para denunciar las ceguedades de sus contemporáneos. Estoico, una brizna amargo, el maestro en pensar en el justo medio confesaba entonces su voluntad de cargar su cruz, la clarividencia, hasta el sacrificio final. "La lucidez, ¿no vive siempre, la herida más cerca del sol?".

Luego hubo, divina sorpresa, incluso en Francia, la marea inexorable del Frente nacional, y el incansable trabajo de contención llevado durante diez años contra la Bestia inmunda por todos los I.T. mobilizados (trabajo del que el movimiento en cuestión sacó el mayor provecho). Hasta que la extrema derecha estalla y se desinfla por razones puramente internas. Por suerte,  no alcanzamos la felicidad por poco -cayendo en el drama, Yugoslavia nos salvó del desconcierto. "La noche que cae sobre Sarajevo está oscureciendo al continente entero", nos señaló enseguida Jacques Julliard, un perspicaz  con gran vista, en 1994. "Se impone una comparación con la situación que ha conocido el mundo a la víspera de la toma del poder por Hitler en Alemania (1933)." Planteada esta premisa, quedaba por disipar las ilusiones de nuestros responsables, y especialmente del presidente de la República,  cobarde y miope. El Gamelin del Eliseo, habiendo constatado que la Europa balcánica era el teatro de un despertar generalizado de las etnias, "dónde cada uno quiere acceder a la soberanía de un Estado, incluso allí dónde jamás ha existido en la Historia", esta campaña de buen sentido levanto la ira del editorialista a quién no se le hace. Había descubierto esto: "Hasta el alba del siglo XX o mejor, hasta el nacimiento de Yugoslavia, en 1918, las "tribus" no se han combatido nunca [...]" R.D.

[Traducción: Milagros C. Carbonell]


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